«C’est notre responsabilité, à nous élus, pouvoirs publics, d’éviter l’émergence d’entreprises qui deviendraient des Etats privés…». C’est ce qu’entend éviter le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, en instaurant sa propre fiscalité concernant les grandes entreprises du numérique, dont Google, Apple, Facebook, Amazon (Gafa).
Si pour Le Maire, il s’agit d’une mesure nécessaire pour «rétablir une équité fiscale», les Américains ne la voient pas d’un très bon œil. Le Conseil national du commerce extérieur américain considère que la taxe française «équivaut à un tarif douanier discriminatoire contre les sociétés technologiques américaines, et menace les liens commerciaux transatlantiques», rapporte l’AFP. Donald Trump, lui, la voit comme une «agression». Le président américain a lancé une enquête sur ses impacts sur les entreprises américaines et menace de représailles commerciales notamment contre l’agroalimentaire français. Le spectre d’une possible guerre commerciale resurgit là encore!
Sur fond de tensions avec les Etats-Unis, cette taxe intervient ainsi comme un test pour la cohésion de l’Europe. Le projet de cette fiscalité était d’ailleurs initialement un projet européen. Il a été abandonné en raison de la réticence de certains pays dont l’Irlande, la Suède et le Danemark, par crainte justement des possibles représailles américaines. Avec de tels précédents, l’enjeu pour les membres de l’UE est d’agir unis et de s’imposer face à la colère de Donald Trump. Des pays européens de l’OCDE tels que l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni ont dans ce cadre eux aussi entamé des mesures allant dans le sens de la taxe française.
La taxe est aussi une épreuve pour le multilatéralisme. La France la considère comme «une incitation à accélérer encore les travaux sur une solution internationale de taxation du numérique à l’échelle de l’OCDE», a déclaré Bruno Le Maire. Ce dernier encourage les Etats-Unis à «coopérer» plutôt qu’à «menacer».
Si les détracteurs de la taxe semblent se concentrer à Washington, le projet de loi est aussi critiqué du côté français. Des sénateurs et des leaders du numérique parlent d’un «pis-aller», d’une taxe «imparfaite économiquement» et «complexe à mettre en œuvre».
A travers sa logique de mise en place et les tensions qu’elle engendre, la taxe française sur les Gafa semble donc bien être une «taxe politique».