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Régime fiscal d’exportateur: Un bouillonnant marché d'optimisation

31 janv. 2020 L'Economiste

La course contre la montre est enclenchée pour certains chefs d’entreprise. Depuis le 1er janvier 2020, un nouveau business est en train de fleurir. De nombreuses sociétés créées en 2019 sont actuellement proposées à la vente. Elles ont toutes pour point commun, outre leur création récente vers la fin de l’année 2019, le fait qu’elles sont orientées export.

En effet, lorsque le projet de loi de finances 2020 a été rendu public, certains opérateurs, ayant appris que l’exonération quinquennale de l’IS exportateurs allait être supprimée, ont voulu s’accrocher à l’incitation fiscale. Pour cela, il fallait créer sa société et réaliser sa première opération à l’export avant le 31 décembre 2019.

Au-delà, c’est le tarif de l’IS de droit commun qui s’applique. Cette perspective a inspiré des conseils qui se sont précipités pour créer des sociétés dans le but de réaliser une première exportation avant fin 2019 dans le seul but de les céder. Pour autant, le risque d’être requalifié en abus de droit est réel.

Le code général des impôts précise que l’exonération quinquennale au titre de l’IS sur le chiffre d’affaires réalisé en devises est accordée à partir de la réalisation de la première opération. Sauf que la définition est si large que certains profitent de cette brèche. «J’ai créé quatre sociétés au cours de la dernière semaine de décembre dernier dans le domaine de l’export de services. Je viens d’en céder une à un opérateur étranger qui compte investir dans un centre d’appel», avoue un conseil.

Le fait de ne pas réaliser une première transaction à l’international avant fin 2019 fait perdre l’avantage fiscal. Pour éviter cette perspective, le conseil a réalisé une étude de marché sur les centres d’appel au Maroc pour le compte de la société cédée. Une prestation de services qui devrait être considérée par le fisc comme une première exportation. Le code général des impôts ne conditionne pas l’avantage fiscal par la facturation ni l’encaissement qui peuvent intervenir en 2020.

Pour trouver une société exportatrice à vendre, il n’y a pas de marché officiel. Le marché est animé par le bouche-à-oreille. Il suffit de demander à son conseil, qui, à défaut d’avoir créé quelques entreprises, peut orienter son client vers un confrère.

La question qui se pose ensuite reste le prix de vente de ces sociétés éligibles à l’exonération quinquennale de l’IS. Dans le cas du conseil interrogé par L’Economiste, le cédant a vendu la structure à 20.000 DH. Mais dans d’autres cas, le vendeur peut être plus exigeant.

«Supposons qu’une entreprise réalise un bénéfice net de 3 millions de DH la première année, elle sera totalement exonérée de l’IS alors qu’une société créée en 2020 sera soumis au barème du droit commun», explique un conseil. Dans le cas de la simulation ci-contre, pour un bénéfice net de 2 millions de DH, l’IS à payer est de 170.000 DH, soit 850.000 DH pendant cinq ans, contre zéro dirham pour une société bénéficiant de l’exonération quinquennale.

L’acquéreur pourra donc économiser 850.000 DH pendant cinq ans à supposer qu’il réalise un chiffre d’affaires à l’export autour de 5 millions de DH, totalement rapatrié. Le prix d’une société dépend en fait de son potentiel et de ses perspectives. Il va de soi que la valeur d’une société commencera à baisser au fur et à mesure. Le créateur de la structure a donc intérêt à la céder le plus rapidement possible pour que l’acquéreur puisse profiter pleinement de la période des cinq années.

Le fait de ne pas pouvoir céder l’entité dans un délai court a des implications fiscales. Au cours des trois premières années, elle sera exonérée de la cotisation minimale. A partir de l’année suivante, elle sera taxée à 3.000 DH au titre de cet impôt minimum. Une chose est sûre: nombreuses sont les sociétés qui trouveront preneurs avant l’expiration du délai de cinq ans.

Où sont les P2I?

La loi de finances a introduit des modifications majeures concernant la fiscalité internationale. Outre la suppression du taux réduit de l’IS pour les exportateurs, passé de 17,5% à 20% après cinq ans d’exonération, l’abrogation du régime des zones franches, le gouvernement a limité l’incitation fiscale aux sociétés opérant dans l’offshoring. Mais comme le concept d’offshoring, à l’instar des zones franches, est associé au paradis fiscal, il a été requalifié en «externalisation».

Ainsi, les sociétés exerçant des activités d’externalisation (offshoring), exerçant à l’intérieur ou en dehors des plateformes industrielles intégrées, sont éligibles à l’exonération quinquennale de l’IS. Passé ce délai, elles seront imposées à un taux d'IS plafonné à 20%.

Malgré la publication de la circulaire de la Direction générale des impôts, d’autres questions ne sont toujours pas claires. Lors d’une récente réunion de la CGEM Marrakech-Safi, Khaled Zazou, directeur général des impôts par intérim, a tenu à apporter des clarifications.

Ainsi, l’exonération quinquennale de l’IS sera exclusivement dédiée aux sociétés exerçant une activité d’externalisation des services à l’intérieur ou à l’extérieur des plateformes industrielles intégrées dédiées. Il renvoie à la circulaire du chef du gouvernement (Cf. L’Economiste n°5675 du 14/01/2020) sur l’offre Maroc Offshoring, qui liste les activités éligibles. Sauf que les opérateurs concernés s’interrogent sur l’emplacement exact de ces P2I. Des espaces d’accueil des investisseurs non encore régis par aucun texte. Les ministres des Finances et de l’Industrie sont donc interpellés au sujet de la cartographie des P2I.